02/2009
310 p. 978-2-8251-3906-6
Après La Furie française (Prix Heredia de l’Académie
Française 2005), correspondance versifiée, Chaunes et
Sylvoisal publient ici leur Credo en matière de poésie,
donnant, sous forme d’entretiens, les raisons de leur passion
et les arguments en faveur de ce genre qui, au XXe siècle, a
perdu son âme et son coeur.
"Pourquoi le destin de
la Poésie doit-il préoccuper les hommes de notre temps ? La poésie,
c’est tout ce que nous sommes au regard de l’Éternel. Aussi,
qu’ils lisent et qu’ils récitent ou non des vers, ils ne
peuvent s’en affranchir. La simple existence du Poème,
c’est notre survie à tous. Quand les arts sont menacés,
quand les langues sont presque englouties, c’est là que les
hommes mesurent enfin l’importance de l’oeuvre des poètes.
CHAUNES
Autrefois, tout était poésie, mais aujourd’hui, tout
n’est que banalité. Voilà toute la théorie de Sylvoisal, et
c’est même pour lui, la définition du passé et du présent.
ARSINOË
Mais tout ce la ne dit encore rien sur l’avenir… De quoi
sera-t-il fait, vous qui comprenez tout ?
SYLVOISAL
Voilà la vraie question, et c’est tout le sujet de nos
entretiens. Devant les ruines du monde qui est le nôtre, je ne
puis m’empêcher de penser que la poésie est seule, dans
toute la littérature, à avoir encore un avenir devant elle,
car son thème, c’est la nostalgie."
Pourquoi un Manifeste? dira-t-on. La Poésie
a-t-elle vraiment besoin d’un déclaration d’intentions afin
d’attirer sur elle l’attention? A-t-elle encore même le
droit d’exister dans le monde de l’économie, des jeux du
cirque et des médias? Les poètes ont-ils besoin de dire au
public ce qu’ils ont l’intention de faire? Oui s’ils sont
honnêtes et s’ils ne veulent pas tromper le chaland sur la
marchandise. La poésie a-t-elle besoin de mouvements, d’écoles,
de drapeaux, de gilets rouges? Chacun écrit sa plaquette dans
son coin, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes
poétiques ou non. La plaquette est lue ou pas, glosée ou pas,
par le corps professoral ou ce qui reste de critiques
littéraires, médiatisée ou non, et le bon peuple n’en
demande pas davantage. Chaunes et Sylvoisal pensent au contraire
qu’il faut en demander davantage. Ils estiment que rien ne
marche bien ni dans le monde de la poésie ni dans l’autre.
Ils ont voulu y voir clair et dénoncer l’imposture et la
supercherie là où il y a imposture et supercherie, et ils se
sont aperçus que ces deux dames tenaient comme toujours le haut
du pavé et que leur petit jeu consiste à se renvoyer l’ascenseur.
Mais qui connaît leur nom, qui se récite leurs vers? Mais au
fait écrivent-elles encore des vers et des poèmes avec
commencement, milieu et fin comme Virgile, Racine, Byron et
Rimbaud? N’ont-elles pas tout simplement dit adieu au poème,
au vers, à toute forme, à tout genre et à toute syntaxe? Mais
disant adieu au poème elles sont tout de même pas allées
jusqu’à prendre congé d’elles-mêmes…
Quant au grand public, a-t-il encore une
opinion, un goût, une mémoire, nous allions dire une religion,
nous voulions dire une religion en matière de poésie, un goût
formé, une culture poétique? Possède-t-il encore ce bon sens
que Descartes jugeait être la chose du monde la plus
universellement répandue, ce bon sens qui ajoutait, permettait
à tout homme sensible de juger de tout en souverain arbitre
sans avoir jamais rien appris? Ou bien flotte-il comme un
cadavre au gré des modes et des courants?
Le Manifeste de Chaunes et de Sylvoisal a
pour ambition de ré-enchanter le monde à l’aide de cet
instrument magique d’investigation qu’est la poésie. Une
poésie qui aurait ré-investi le domaine enchanté qui fut
jadis le sien et que bourgeoisement, laborieusement et
progressivement la prose lui a ravi.
La poésie avait déraillé. Il fallait la remettre sur ses
rails. On ne peut pas vivre que de beaux déraillements. Vient
le moment où il faut reconstruire la voie de chemin de fer, la
locomotive et tous les wagons, et donner une destination au
voyage. Car il est faux de dire que les chemins ne mènent nulle
part, ils mènent toujours quelque part.